Polyrythmie
La polyrythmie est la combinaison de différentes pulsations dans une même mesure. Elle se caractérise aussi par l’absence d’une plus petite valeur rythmique commune (par exemple la croche ou la double croche) dans une mesure donnée.
Dans la musique académique, la polyrythmie s’appuie toujours sur une mesure fixe, et à certains intervalles les figures inégales coïncident. Le phénomène de la polyrythmie est très caractéristique de la musique contemporaine. La principale pulsation du jazz, le swing, est une polyrythmie.
Regardez les très bonnes illustrations que j’ai empruntées à un article d’Ethan Hein (avec des exemples musicaux intéressants) pour voir comment la polyrythmie organise les deux rythmes et les deux mains.
On voit bien que la coordination des mains du pianiste pour le jeu polyrythmique est assez compliquée. L’objectif est d’acquérir l’indépendance des mains, pour qu’elles puissent fonctionner de manière quasi autonome.

Je commence par la bonne nouvelle : il est assez intéressant de connaître le schéma et de savoir quelle main appuie après l’autre. Pourtant, quand on joue, on ne compte pas. Entre les points de rencontre (le début de la mesure), les mains sont presque indépendantes, et cette capacité doit s’apprendre.
D’après mon expérience de professeur et moi-même, comme ancienne élève et pianiste, les pianistes qui jouent de la musique polyphonique dès le début de l’apprentissage du piano sont bien préparés et n’ont pas de problèmes avec la musique polyrythmique. (Cela ne veut pas dire qu’on joue du 4/5 ou du 7/15 tout de suite facilement, mais cela vient assez naturellement après un certain temps de pratique.) La musique polyphonique est un outil indispensable pour développer l’oreille qui contrôle les mains.
Une bonne préparation à la polyrythmie consiste à travailler l’indépendance des mains. Il existe beaucoup de musique où la main gauche joue staccato et la main droite legato (ou inversement). On trouve de nombreux exemples dans la musique baroque et même chez Beethoven.
Les amateurs ratent souvent les étapes progressives de l’apprentissage technique et s’attachent tout de suite à la musique actuelle (pop) ou à la musique romantique. Dans ce cas, le défi de la polyrythmie devient plus important.
Et voilà mes 4 idées pour aborder la polyrythmie.
Travail méditatif
Cette idée peut sembler banale, mais il est vraiment très important de commencer légèrement, calmement, avec les mains détendues.
Les mains doivent être absolument libres : la moindre tension est inacceptable. Commencez dans un tempo très lent et ne forcez jamais le processus. « Délier » les mains, c’est comme apprendre à faire du vélo : il suffit d’y parvenir une fois, et ensuite tout ira beaucoup plus vite. Mais la première fois peut demander beaucoup de temps et de patience.
Réservez environ dix minutes pour deux ou trois mesures d’un texte polyrythmique et essayez de travailler dans un état de méditation. Ne calculez pas, laissez les mains avancer chacune à son rythme et écoutez votre corps.
Une main joue, l’autre s’amuse
Pour commencer, essayez de jouer avec une main (de préférence la gauche), tandis que l’autre fait simplement quelque chose d’autre, quelque chose qui ne dépende absolument pas de ce que joue l’autre main.
Par exemple, essayez de jouer à la main gauche, tandis que la main droite façonne quelque chose de simple avec de la pâte à modeler, ou prend un crayon et une feuille pour dessiner (pendant que la main gauche continue de jouer sans s’arrêter). Ensuite, inversez : la main droite joue, et la main gauche dessine, façonne ou trace des cercles dans l’air.
Le but de cet exercice est de détacher les mains l’une de l’autre.
Oublier le « tout ou rien »
Procédez par étapes : commencez par jouer avec une main 100 % correctement (autant que possible), tandis que l’autre main ne joue pas toutes les notes, et peut même se permettre d’être approximative, y compris avec des fausses notes.
L’idée principale n’est pas « tout ou rien », mais de créer une situation où les deux mains jouent simultanément, ce qui est un objectif en soi, même si l’exécution n’atteint que 50 % de la perfection. La seconde main n’a pas besoin d’être écoutée : le focus total est sur la première main.
Ensuite, inversez les mains et répétez l’exercice.
Le principal défi pour un pianiste « cultivé » est ici de jouer volontairement faux, tout en restant calme.
Méthode Jaques-Dalcroze : les esquisses rythmiques
Pédagogue et musicien, E. J. Dalcroze, au début du XXᵉ siècle, a créé un système d’exercices corporels pour développer la coordination. J’utilise sa méthode et elle est très efficace : souvent, après une ou deux séances seulement, le corps commence à ressentir la polyrythmie.
Voici un exemple qui combine plusieurs éléments :
- le rythme de marche en 2/4,
- la prononciation de mots trisyllabiques connus, en triolets de noires,
- des claquements de mains, parfois pour suivre le rythme de la marche, parfois pour suivre la prononciation des syllabes.
Dans ma pratique, j’associe la marche à la prononciation des mots. À vous d’essayer !
